Dysphagia lusoria : une curiosité anatomique et une entité clinique : à propos de trois observations - 20/05/15
Résumé |
Introduction |
La découverte d’une artère sous-clavière droite aberrante (ASDA) n’est pas exceptionnelle ; elle est rencontrée dans 0,5 à 1,8 % de la population. Plus de neuf fois sur dix, cette particularité de l’embryogenèse est asymptomatique.
Nous rapportons trois observations de dysphagie en rapport avec une ASDA rétro-œsophagienne ou arteria lusoria. Le cas princeps remonte à 1794 et a été décrit par Bayford sous le vocable de dysphagia lusoria.
Observation |
Observation no 1 : patiente de 58ans hypertendue en surpoids adressée en juillet 2011 pour douleur thoracique antérieure depuis 4 mois associée à des épisodes de blocage œsophagien quasi-quotidiens. Sur l’échographie cervicale était notée l’existence d’un kyste du tractus thyréoglosse. L’endoscopie œsogastrique s’avérait rassurante. La TDM thoracique complétée d’une angioIRM retrouvait une arteria lusoria associée à un tronc commun à l’origine des 2 carotides primitives. Le transit œsogastroduodénal confirmait l’existence d’une compression extrinsèque de l’œsophage chiffrée à 90 % avec stase du produit de contraste en amont.
En septembre 2011, la patiente bénéficiait d’une fermeture intramédiastinale de l’ASDA (sternotomie) avec réimplantation dans la carotide primitive droite (cervicotomie). Les suites opératoires étaient simples avec disparition des troubles de la déglutition à distance.
Observation no 2 : patient de 52ans sans passé éthylo-tabagique, hospitalisé en décembre 2014 pour une dysphagie et une dysphonie avec amaigrissement de 3kg en une année. La biologie était non contributive. La fibroscopie gastrique retrouvait une compression extrinsèque à 25cm des arcades dentaires et l’examen ORL mettait en évidence une paralysie complète de l’hémilarynx gauche sans lésion suspecte associée. Le scanner TAP n’objectivait aucune anomalie médiastinale en dehors d’une arteria lusoria naissant de la partie descendante de la crosse aortique avec compression de l’œsophage. Le patient est adressé aux chirurgiens vasculaires.
Observation no 3 : patiente de 57ans fumeuse (20 paquets-années) hospitalisée en février 2015 pour douleur cervicothoracique migratrice depuis 3mois accompagnée d’une dysphagie aux solides et d’un amaigrissement de 12kg. L’endoscopie gastrique n’objectivait qu’une hernie hiatale non compliquée. La laryngoscopie en suspension sous anesthésie était sans particularité, le bilan thyroïdien normal. Le TDM cervicothoracique ne retrouvait rien d’anormal au niveau médiastinopulmonaire mais mettait en évidence une arteria lusoria de 13mm de diamètre. Le transit baryté confirmait une empreinte extrinsèque sur le tiers supérieur de l’œsophage. La patiente est confiée en chirurgie vasculaire.
Discussion |
À partir d’une récente revue de la littérature [1 ] regroupant 141 observations d’ASDA (126 cas cliniquement documentés et 15 cas anatomiquement confirmés), il apparaît que l’âge moyen de mise en évidence est de 50ans (45ans chez l’homme et 54ans chez la femme). L’anomalie est plus fréquemment rencontrée chez la femme que l’homme (55 % versus 44 %). L’incidence est plus élevée lorsque coexiste une tétralogie de Fallot, une atrésie pulmonaire un syndrome de Down ou de Di George.
Chez l’adulte, les symptômes rapportés sont essentiellement une dysphagie et des douleurs thoraciques atypiques sources d’errance diagnostique comme dans nos observations 1 et 3. Une dysphonie est rapportée de manière tout à fait exceptionnelle (observation 2).
Chez l’enfant du fait du caractère compressible de la trachée se surajoutent des signes respiratoires (stridor, wheezing, cyanose, pneumopathies itératives).
La rigidité accrue de la trachée et de l’œsophage (qui s’accentuent avec l’âge), la formation d’un anévrisme proximal sur l’ASDA (diverticule de Kommerell) l’athérosclérose, la coexistence d’un truncus bicaroticus (origine commune des artères carotides droite et gauche à partir de la crosse aortique comme dans l’observation 1) constituent des facteurs de risque pour rendre symptomatique l’arteria lusoria.
Le traitement chirurgical est réservé aux patients très symptomatiques ou lorsqu’il existe un anévrisme menaçant. Diverses modalités sont proposées : chirurgie conventionnelle (ligature proximale ASDA, réimplantation dans la carotide interne droite), technique endovasculaire pure, thérapeutique hybride.
Conclusion |
La dysphagia lusoria est une cause rare de dysphagie de l’adulte. La découverte d’une arteria lusoria en tomodensitométrie est bien souvent fortuite. Avant de rattacher la dysphagie à une arteria lusoria, une analyse rigoureuse et exhaustive reste indispensable.
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Vol 36 - N° S1
P. A142-A143 - juin 2015 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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